Les billets d’architecture de Donatienne : #2. Le style Beaux-Arts

Le style Beaux-Arts

Ce courant architectural, qui puise son inspiration dans les grands styles français du XVIIIe siècle, doit son nom à la prestigieuse École des Beaux-Arts de Paris. Au cours du XIXe siècle, des étudiants de tous les pays s’y pressent afin de recevoir les préceptes de son enseignement centré sur la tradition classique tout en s’imprégnant de ses méthodes et de sa philosophie. Lors de la profonde transformation que connaît Paris sous l’impulsion de l’empereur Napoléon III et du baron Hausmann, le style Beaux-Arts participe généreusement à embellir les nouveaux boulevards de cette capitale de plus en plus cosmopolite. Son influence et son rayonnement qui s’étend jusqu’à Bruxelles, ne laisse pas indifférent Léopold II qui ne ménage pas ses efforts pour faire de Bruxelles une métropole moderne et la vitrine de son jeune état sur la scène internationale.   

Dans le cadre des travaux du voûtement de la Senne vers 1870, on perçoit déjà l’accent parisien qui s’immisce à la diversité stylistique des façades qui bordent la nouvelle artère. Mais le retour en grâce des styles des Rois Louis et la prédilection de notre Roi pour l’architecture française ne sont pas sans accointances avec l’Exposition universelle qui se tient à Paris en 1900. C’est à cette occasion que Léopold II rencontre l’architecte Charles Girault, auteur du Petit et du Grand Palais, avec lequel il achève les arcades du Cinquantenaire, réalise la Galerie promenoir d’Ostende, l’extension du palais de Laeken ou encore le Musée royal d’Afrique centrale à Tervuren. Dans la foulée, institutions, hôtels et grands magasins se laissent séduire par le ton emphatique et officiel du style Beaux-Arts ; parmi eux, les imposants édifices bancaires dans le quartier situé entre la gare Centrale et la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule, l’emblématique hôtel Astoria rue Royale ou encore le raffiné établissement de fourrures Raymont Mallien place du Grand Sablon. Ce style rassurant et conformiste convainc également une partie de la bourgeoisie enthousiaste de renouer avec un héritage mémorable face au trop audacieux Art Nouveau et au passéisme dépassé de la panoplie de styles néos et éclectiques. Ainsi hôtels particuliers, maisons mitoyennes et immeubles à appartement fleurissent un peu partout dans Bruxelles avec une étonnante concentration dans quelques quartiers résidentiels tels que ceux des avenues Molière et Louis Lepoutre ou certaines portions de l’avenue de Tervuren, du boulevard Lambermont et du Solboch.

Ultime expression de l’éclectisme ou prolongement de celui-ci, le style Beaux-Arts a en tout cas l’ambition de conjuguer une tradition académique séculaire à la modernité à laquelle aspire la société en ce début de XXe siècle. D’une élégance bourgeoise et citadine, il est mis en œuvre par une pléthore d’architectes – Albert Roosenboon, Paul Saintenoy, Léon Janlet, Camille Damman,  Benjamin De Lestré, Léon Govaerts, Paul Picquet, Frans d’Ours,…- qui pour la plupart ont flirté avec l’Art Nouveau et la Sécession et dont certains se laisseront happer par l’Art Déco. Les façades affichent un usage exclusif du répertoire classique des styles Louis XIV, Louis XV et Louis XVI sans du tout s’y confondre. Leur ordonnance se construit au rythme d’abondantes fenêtres et de châssis à croisillons, de balcons joliment ouvragés, de bow-windows un rien arrondis, de rambardes et de portes en fer forgé, de légers décrochements et pignons. Si elles sont bien souvent surmontées d’un toit Mansart doté de lucarnes et d’œil de bœuf, leur revêtement plaide en faveur de la très sobre pierre blanche ou à défaut simili pierre blanche parfois rehaussée de pierres bleues et de briques. Une kyrielle de coquilles, mascarons, corbeilles de fruits et guirlandes de toutes sortes est exploitée à son comble, contribuant à donner à l’ensemble des édifices toute leur particularité. Mais ce style, pourtant si confortable et d’une étonnante longévité, ne parviendra pas à surmonter à la crise des années 1930 et à résister à la consécration du Modernisme.

Donatienne de Sejournet

Historienne de l’art et journaliste du patrimoine et de jardins

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