Les billets d’architecture de Donatienne : #5. Genèse de l’immeuble à appartements à Bruxelles

Genèse de l’immeuble à appartements à Bruxelles

C’est au cours des années 1870, dans le cadre des travaux du voûtement de la Senne et de la création des boulevards centraux que les premiers immeubles à appartements font leur apparition à Bruxelles. La Ville, tenant à freiner le départ de la bourgeoisie locale de son centre saturé vers les nouveaux quartiers des communes limitrophes, encourage les
promoteurs immobiliers à y investir en leur cédant des terrains à bâtir à des conditions
financières avantageuses. Pas moins d’une soixantaine d’immeubles de rapport sont ainsi
érigés le long des nouveaux boulevards Adolphe Max et Anspach
. Si l’initiative ne manque
pas de clairvoyance, elle ne rencontre que peu d’enthousiasme et d’intérêt auprès des
Bruxellois. Trop attachés au principe de la maison individuelle, ceux-ci ne semblent pas prêts à envisager ce nouveau mode de vie dont la promiscuité et la cohabitation les effrayent plus qu’elles ne les attirent. De plus, ces édifices qui s’inspirent pleinement de la typologie haussmannienne ne bénéficient pas du même confort que leurs homologues parisiens. Cette première tentative s’avère un cuisant échec vu le peu d’acquéreurs et la débâcle financière qui s’en suit.

Après ce démarrage désastreux, le principe de vie en appartement à Bruxelles ne prend son véritable essor qu’après la Première Guerre mondiale. Entretemps cependant, une série d’immeubles se disséminent à travers la capitale en se fondant par leur style et leur gabarit parmi l’alignement des hôtels particuliers des nouveaux quartiers et grandes avenues en chantier. Quelques exemples Art nouveau et Beaux-Arts profitent néanmoins de leur emplacement à l’angle des rues et des places pour exprimer leur singularité en exploitant tourelles, rotondes, bow-windows et dômes de toutes sortes. C’est en tout cas ce que reflètent les immeubles de rapport édifiés par G. Strauven à l’angle de l’avenue Louis Bertrand et la rue Josaphat à Schaerbeek, par Léon Janlet place Van Meenen à Saint-Gilles ou encore par Paul Vizzavona à proximité de la Grand-Place, sans compter ceux de l’avenue Louis Lepoutre et de ses environs. Il ne faut pas omettre non plus de citer les premiers logements collectifs avec leurs appartements sociaux simples et fonctionnels, mais d’une remarquable conception architecturale comme la Cité Hellemans dans les Marolles.

À partir des années 1920, le monde architectural belge est pris d’une véritable fièvre de
reconstruction
. L’immeuble à appartements apparaît alors comme une des réponses à la crise du logement, d’autant plus que l’apparition en 1924, d’une nouvelle loi sur la copropriété vient régler toutes les inquiétudes juridiques et financières en la matière. Le premier à se lancer dans l’aventure est le promoteur Lucien de Kaiser qui entreprend, rue de la Loi, la construction d’un luxueux appart-hôtel avant la lettre destiné à l’élite cosmopolite. Édifié par l’architecte Michel Polak dans un style Art déco raffiné et élégant, le Résidence Palace comporte 180 appartements qui bénéficient de services exceptionnels : restaurants, boutiques, théâtre, gymnase, piscine, court de tennis, jardins suspendus … La formule est sans doute trop ambitieuse pour Bruxelles, car le complexe ferme en 1941 pour être ensuite reconverti en cité administrative. Si le Résidence Palace contribue à cautionner par son prestige la vie en appartement, la jouissance du confort domestique moderne et aisé finit par convaincre du bien-fondé de cette nouvelle manière d’habiter.

Sociétés immobilières et architectes vont dès lors s’employer à imposer cette nouvelle
typologie dans le paysage urbain. Par convenance, ils vont user du style Beaux-Arts avant de s’adonner à l’Art déco dont les multiples variations se présentent en une magnifique
déclinaison aux alentours du rond-point de l’Etoile à Ixelles avec les Palais de la Cambre (C.Dammen), de la Folle Chanson (A. Courtens) et du Congo (J.F. Collin), les Résidences de la Cambre (M. Peeters) et Ernestine (J.F. Collin)
. Certains se laissent influencer par l’école d’Amsterdam (Joe Ramaekers, av. Molière) et la tendance Paquebot (Résidence Solbosch de G. Leclercq et F. Roos av. Brillat-Savarin ou le Kaaitheatre de M. Driesmann au sq Stainctelette). D’autres, trouvant leur expression dans le modernisme (Le Tonneau de S. Jasinski et JF. Collin et La Cascade de R. Ajoux av. G. de Gaulle ou encore Clarté de P.A. Michel av. Molière), ouvriront la voie d’immeubles à appartements plus fonctionnels, efficaces, lumineux, variés, accessibles, modulables, reproductibles mais aussi plus hauts.

Donatienne de Sejournet

Historienne de l’art et journaliste du patrimoine et de jardins

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