Les billets d’architecture de Donatienne : #1. Les Etangs d’Ixelles

Les étangs d’Ixelles

Tout en offrant une véritable leçon d’architecture bruxelloise, flâner le long des étangs d’Ixelles, à l’ombre des frondaisons, fait oublier en quelques foulées l’agitation citadine toute proche. Ce sentiment de quiétude nous renvoie indiciblement aux origines de ce lieu lorsque ce chapelet d’étangs s’égrainait le long d’un vallon un tant soit peu marécageux, mais bordé de pâtures et de champs au milieu desquels serpentait le Maelbeek. Ce ruisseau, complètement voûté depuis 1870 et qui se jette dans la Senne à Schaerbeek, vit au XIIIe siècle naître à sa source l’abbaye de La Cambre fondée par les moniales cisterciennes et aux abords de ses berges quelques maisons primitives, embryon de l’agglomération ixelloise. Au fil des ans, ses eaux poissonneuses transforment les étangs en vivier et alimentent un moulin et des brasseries de plus en plus nombreuses. Si les étangs comme l’abbaye, déclarés biens nationaux, sont vendus à la Révolution française, le village conserve son caractère champêtre et rural, attirant les promeneurs bruxellois, ravis du bon air et heureux de se désaltérer de bière fraîche dans ses bien charmantes guinguettes. Mais cette nonchalance ne résiste pas à la fièvre urbanistique qui touche la capitale au milieu du XIXe siècle. Le percement de l’avenue Louise sous l’impulsion de Léopold II et l’acquisition des étangs d’Ixelles par la commune lancent le coup d’envoi des premiers chantiers.

Dès 1856, des plans sont dressés pour combler une partie du « grand étang » et tracer la place Sainte-Croix, tandis qu’une nouvelle église de style ogivale vient remplacer l’ancienne chapelle Sainte-Croix. Rebaptisée en 1937 place Eugène Flagey, elle accueillera l’emblématique Institut national de Radiodiffusion conçu par Joseph Diongre tel un paquebot aux côtés de l’église relookée par la même occasion dans le style Art Déco tardif. Au cours des années 1870, la commune d’Ixelles adopte le plan d’aménagement imaginé par l’inspecteur-voyer Victor Besme pour la création d’un nouveau quartier, situé entre les étangs et l’avenue Louise, auquel le Jardin du Roi offre une agréable échappée verte. Le paysagiste Édouard Keilig, auteur du Bois de La Cambre, se charge de redessiner les abords des étangs selon l’esthétique paysagère en une promenade pittoresque. Aux courbes souples des berges, qui s’étirent en pelouses ponctuées de vieux arbres, répond l’élégante ordonnance des avenues interrompue de belles perspectives vers les rues adjacentes. Tout semble fait pour égayer la promenade : grottes de rocailles, jets d’eau, île recouverte de saules et monuments tels que celui du sculpteur Charles Samuel dédié à l’œuvre de l’écrivain Charles De Coster.

L’indéniable réussite de cet aménagement urbain rencontre un vif succès auprès de la bourgeoisie bruxelloise. Sensible à l’évolution des goûts, celle-ci y fait construire à la Belle Époque d’agréables maisons mitoyennes dont les façades d’une étonnante variété de styles sont toutes précédées d’un jardinet. Avide de modernité, elle adopte, à l’entre-deux-guerres, le nouveau mode de vie que proposent les luxueux immeubles à appartement Art Déco et Moderniste. Relevons par un bref tour d’horizon quelques façades de ce remarquable échantillon d’architectures. Avenue des Klauwaerts outre les façades de style Beaux-Arts de l’architecte P. De Goef et celles d’influence viennoise de R. Moenaert, le n° 11 de style néo-Renaissance flamande, conçu en brique par l’architecte Willaert, se démarque par son perron d’arcades et de colonnes, sa loggia sculptée de blason et ses fenêtres à croisillon. Au sein d’un bel ensemble de maisons de style éclectique, la façade néo-gothique aux élégantes logettes des n° 24 et 26 de l’avenue de l’Hippodrome dissimule deux maisons, que E. De Vigne réunit par un jeu de miroir en un unique pignon. Si l’éclectisme domine également l’architecture de l’avenue Général de Gaulle, notamment avec celles des frères Delune (n° 30, 31 et 33), les maisons presque jumelles d’E. Blérot (n° 38 et 39) séduisent par leur subtil jeu d’arabesques Art nouveau tandis que les immeubles à appartements « Le Tonneau » de R. Ajoux et « La Cascade » de J.F. Collin et S. Jasinski sont de la veine la plus moderniste du quartier.

À lire : M. Hainaut, Le quartier des étangs d’Ixelles, Bruxelles, Ville d’Art et d’Histoire, T.10, Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, 1994.

Donatienne de Sejournet

Historienne de l’art et journaliste du patrimoine et de jardins

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