Le Cinquantenaire fait aujourd’hui l’objet d’une importante réflexion de refonte de son site piloté par un comité d’experts avec la volonté politique qu’il soit le théâtre du bicentenaire de notre pays. L’objectif ambitieux de redonner à ce complexe muséal et au parc leur prestance et leur attractivité pour 2030 trouve tout son sens par le fait qu’il fut le centre de bien des commémorations. En effet, lorsque le cinquantième anniversaire de la Belgique fut célébré avec faste au cours de l’année 1880, le clou des manifestations fut sans conteste l’Exposition nationale des produits de l’art et de l’industrie belges qui se tint sur le plateau de Linthout. Aménagé pour la circonstance, le site, appelé depuis lors le Cinquantenaire, s’inscrivait dans un projet plus large d’extension et d’embellissement de la ville, soit l’aménagement d’un agréable quartier résidentiel autour d’un parc, planifié depuis 1866 par l’inspecteur voyer Victor Besme et soutenu par Léopold II soucieux d’élever Bruxelles au rang des autres capitales européennes.
L’esplanade fit le sujet de plusieurs propositions avant que l’architecte Gédéon Bordiau (1832-1904) imagine la construction monumentale d’un arc de triomphe relié par une colonnade semi-circulaire à deux pavillons. Inspiré du Musée de South Kensington de Londres et du palais Longchamp à Marseille, cet impressionnant monument allait magnifier, par son arcade couronnée d’un quadrige, la belle perspective de la rue de la Loi tout en offrant une échappée vers la campagne et la future avenue de Tervuren. À l’ouverture des festivités, seuls les deux palais latéraux et le soubassement de la colonnade étaient construits de manière définitive. Faute de budget, le reste du décor fut réalisé en bois, staff et toiles peintes, matériaux d’usage de l’architecture éphémère. L’architecte avait prévu dans l’axe de l’arcade un jardin à la française entouré de larges parterres dessinés à l’anglaise ainsi qu’une série de halles en fer et en verre à l’arrière du parc. À l’instar du Crystal Palace à Londres, ces constructions provisoires se prêtaient à merveille à l’exhibition de toutes les avancées et innovations techniques des industries belges, une démonstration qui se voulait autant économique que patriotique.
Après le jubilé, la volonté était d’héberger dans les deux palais un musée permanent et un lieu d’expositions temporaires. C’est ainsi qu’ils accueillirent en 1889 les collections de la Porte de Hal et celles des moulages au sein des Musées royaux des Arts décoratifs et industriels, ancêtres des Musées royaux d’Art et d’Histoire auxquels viendront s’adjoindre par la suite les Musées de l’Armée et de l’Aviation, l’Institut royal du Patrimoine artistique et l’Autoworld. Parallèlement, vint s’y tenir de nouvelles expositions : un Grand Concours International des Sciences et de l’Industrie en 1888 et l’Exposition universelle de 1897 avec sa section coloniale à Tervuren.
Malgré leur planification sur plusieurs années, les travaux n’avaient pas fort avancé, l’arche étant à nouveau en trompe-l’œil. G. Bordiau ne s’était pas imaginé que près de trente ans seraient nécessaires pour mener à bien ce projet dont il ne verra du reste jamais la fin, Charles Girault et Léopold Piron prenant le relais à sa mort en 1904. En un temps record et sous la pression de Léopold II qui s’était résolu à puiser dans sa cassette personnelle par l’entremise de donateurs, la triple arcade fut finalement achevée pour fêter avec éclat le 75e anniversaire de l’Indépendance de la Belgique. Le parc du Cinquantenaire accueillera encore l’Exposition de 1910 qui se tient principalement au Solboch avant de passer le relais en 1835 au site du Heysel et de se consacrer principalement à sa vocation muséale.
Donatienne de Sejournet
Historienne de l’art et journaliste du patrimoine et de jardins